Soyons courageux : faisons moins
Quelques réflexions sur la vitesse
Le constat est le même autant dans les grandes que dans les petites organisation (entreprises et associations) dans lesquelles nous intervenons : il faut faire toujours plus dans un laps de temps de plus en plus court. Les e-mails, les tâches (parfois contradictoires) s'empilent, on court, on fait de son mieux.... mais les discours entendus sont les mêmes : frustration de ne pas avoir le temps de bien faire son job.
La société valorise ceux qui sont occupés. Dans l'entreprise où je travaillais, nous étions dans des open spaces. Et il était très important d'avoir l'air plongé dans son écran en tapant à toute vitesse sur son clavier "Quelle productivité, avec quelle rapidité ce collaborateur travaille ! C'est impressionnant." Alors que personnellement, j'avais très souvent besoin de m'étirer, de regarder le plafond, par la fenêtre, de respirer et de couper avec la vue de mon écran. Je me suis demandée de nombreuses fois si j'étais normale.
Quand on boit un café avec quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis longtemps, il est d'usage de répondre à la question "Comment ça va?" par "Je suis à fond dans tel ou tel projet, j'ai vu untel, j'ai été voir telle expo, j'ai fait telles et telles sorties" ça sonne très bizarre de répondre "ba... en fait je n'ai pas fait grand chose depuis la dernière fois qu'on s'est vu". Presque comme un échec. Comme si on était à la lisière de la société.
Et on aboutit à : "ça passe trop vite". Une expression qu'on entend régulièrement autour de soi, notamment dans la bouche des personnes qui ont des enfants. "ça passe trop vite". Mais pourquoi ? Comment faire pour vivre sa vie sans se dire "ça passe trop vite" ? Comment faire pour vivre sa vie en la vivant pleinement, sans regarder en arrière et se dire "ah j'aurais pu faire ci, faire ça..." ?
En d'autres termes : Comment est-ce qu'on créer du temps de qualité ? L'art de s'ennuyer pourrait un élément de réponse. L'art de faire des pauses, développé ci-dessous d'après la présentation "Be braver by doing less" de Robert Poynton, en est un autre.
Faire des pauses : absurde ?
On a toujours quelque chose à vérifier dans son téléphone, un appel à passer, quelque chose à lire...
"Je n'ai pas le temps de faire une pause, j'ai trop de choses à faire" peut-on entendre. Vraiment ? Aucun moment pour faire une pause ?
"Je ne peux pas ne rien faire" : mais qu'est-ce que faire une pause en fait ? Faire une pause n'est pas ne rien faire. C'est laisser la place à quelque chose d'autre. C'est un autre type d'action. S'arrêter dans son tourbillon permet de laisser entrer autre chose. La pause est littéralement intégrée à la musique, elle s'écrit comme une note. C'est une respiration.
Selon Robert Poynton, faire des pauses permet de prendre de meilleures décisions. En effet, la vitesse affecte la manière dont nous décidons : quand on se dépêche, on se hâte on ne prend pas le temps de lever les yeux, de chercher l'horizon et donc prendre une décision plus éclairée.
Lorsqu'une discussion est tendue, faire une pause de quelques minutes est une solution très efficace pour permettre à chacun de faire redescendre la tension, retrouver ses esprits et réfléchir plus froidement. Le corps est un superbe outil pour faire des pauses : respirer, faire une courte marche...
L'art de la pause : faire une pause, ça s'apprend !
Notre relation au temps est souvent "mécanique" : on découpe le cadran d'une horloge en heures, minutes... et on cherche à rentabiliser ces instants. On se dépêche de terminer ce qu'on doit faire au travail avant de courir chercher ses enfants, puis se dépêcher d'enchaîner devoirs/cours de sport/douche/dîner avant de se coucher pour se réveiller au son strident d'une alarme pour entamer une nouvelle journée. Comment trouver le temps de faire une vraie pause ressourçante pour soi ?
On peut commencer de manière générale non pas par réfléchir à "Comment puis-je faire plus ?" mais "Comment puis-je faire moins mais mieux ?" dans le temps que j'ai. Une pause n'a pas à être longue; elle doit juste être assez significative pour soi pour permettre d'accéder à une autre dimension du temps.
Créer des pauses, laisser de l'espace dans son esprit permet d'être plus réactif, d'avoir l'esprit plus clair quand il faut aller vite. Cela implique d'arriver à discerner dans notre quotidien quand il est réellement nécessaire d'être rapide. Une amie me disait qu'elle détestait quand quelqu'un lui envoyait un e-mail avec pour objet "Urgent : blablabla..." Elle m'expliquait que ça lui posait un problème que la personne écrive "urgent". Comment peut-on se permettre de juger ce qui est urgent ou pas ? Car cette personne en question, en envoyant son mail, n'a aucune idée du travail que mon amie est en train d'accomplir à cet instant. Urgent pour qui ? Urgent pour quoi ? Qu'est-ce qui est réellement urgent dans nos boulots aujourd'hui ?
Robert Poynton donne l'exemple d'une personne, qui après avoir constaté que l'ambiance quand il rentrait chez lui le soir après sa journée de travail était plutôt tendue, a décidé de s'arrêter 30 secondes sur le pas de sa porte avant de rentrer, pour prendre le temps de se remémorer qui était derrière cette porte, et que ces personnes avaient aussi eu leur journée derrière elles. Il cite aussi un CEO qui tous les jours à la fin de sa journée prend 5 minutes pour... ne rien faire. Et ça lui permet de rentrer chez lui en faisant une vraie coupure, en laissant ses soucis dans son bureau.
Une pause peut donc avoir plusieurs dimensions : temporelle (5 minutes, 1 mois, 1 année...) et spirituelle (qu'est-ce qu'on y met : respiration, inspiration créative, méditation, marche consciente, vide...) A chacun de trouver ce qui lui sied ! Et s'autoriser à le faire.
Conclusion
Et si tout n'était qu'une question de rythmes et de variation de rythmes plutôt que de vitesse ?
On prend un café ? ;-)